Bonsoir à tous,
Je n'ai pas abandonné "la Septième Prophétie", le tome 2 progresse lentement mais sûrement, je travaille dessus tous les jours.
Ce soir, j'ai envie de vous faire découvrir un texte écrit pour le dernier concours de mon forum, qui m'a permis d'explorer un nouvel univers dans le domaine du fantastique, mettant en scène des personnages appelés "les Protecteurs" et qui mélangera les époques, de l'Antiquité Romaine à nos jours.
Dans cette nouvelle, "Philippus", vous découvrirez le premier d'entre eux,et son histoire.
Bonne lecture !
PHILIPPUS
La nuit était tombée sur Rome et, à cette heure avancée,
seule la pleine lune éclairait les rues de la ville.
Dans sa chambre, le centurion Philippus dormait profondément
avec Tullia, son épouse. Soudain, un vagissement aigu le tira du sommeil.
Encore mal réveillé, il réalisa que sa fille Octavia pleurait, sans doute après
avoir fait un cauchemar. Tullia se leva et il ne bougea pas, laissant sa femme
consoler leur enfant. Philippus allait retomber dans les limbes du sommeil
quand un cri perçant, poussé cette fois par Tullia, le fit brusquement
sursauter. Réagissant aussitôt, il bondit hors du lit et saisit son glaive,
avant de courir vers la chambre d’Octavia.
Lorsqu’il pénétra dans la pièce, il se figea en poussant un
cri d’horreur : une femme de haute taille tenait son épouse contre elle,
sa bouche enfoncée dans son cou. Au sol, Octavia gisait telle une poupée
désarticulée, au milieu d’une flaque de sang. Glacé, le centurion réalisa que
les légendes qui, pour lui, n’étaient que des contes, s’avéraient réelles et
qu’une stryge attaquait sa famille. Sortant de son immobilité, Philippus leva
son glaive et s’approcha de la créature :
« Lâche-la ! »
La bête releva la tête pour le fixer et un rictus cruel
étira sa bouche tandis qu’elle passait lentement sa langue sur ses lèvres
écarlates.
Le centurion se jeta sur elle au moment où elle laissait
tomber Tullia. D’un geste souple, la stryge évita le coup qu’il lui porta de
son arme et le frappa du revers de son bras, le jetant à terre avec une force surprenante.
Philippus lâcha son glaive qui glissa au sol, hors de sa portée. La créature le
fixa de ses yeux glacés et éclata de rire, avant de se tourner vers le balcon
et d’y marcher tranquillement. L’officier tenta de se relever pour reprendre le
combat, mais n’y parvenait pas, cloué par une force surnaturelle. Il ne put
qu’observer la stryge, gravant ses traits dans sa mémoire, pour la retrouver.
La bête se percha sur la rambarde et lui lança un dernier
regard, comme pour le narguer, avant d’ouvrir de larges ailes, comme celles
d’une chauve-souris, et de se jeter au-dessus des maisons de la ville.
Aussitôt, le centurion retrouva sa liberté de mouvement et
se précipita vers Tullia qui gisait à terre, face contre le sol. Il la retourna
et poussa un gémissement en découvrant sa gorge déchiquetée, qui laissait
couler un filet de sang. Ses yeux vitreux le fixaient sans le voir, elle avait
déjà rejoint le royaume de Pluton. Tout en serrant son corps contre lui,
Philippus se mit à sangloter sans pouvoir se retenir. Ses yeux pleins de larmes
se posèrent sur Octavia et il sut aussitôt que, comme sa mère, toute vie avait
quitté ce petit corps.
Au moment où résonnaient les pas des serviteurs attirés par
les cris et les bruits du bref combat, le centurion se mit à hurler sans
pouvoir s’arrêter, fou de douleur.
Philippus errait dans sa demeure, accablé par la perte
brutale de Tullia et d’Octavia. La nuit précédente, leurs funérailles avaient
eu lieu et, désormais, il était seul. Dans un état second, il avait assisté aux
rituels, sans réaction face aux flammes qui dévoraient les deux corps. La
stryge lui avait arraché sa seule famille, les deux êtres qui lui importaient
le plus.
Le centurion venait d’apprendre que, dans quelques jours, sa
légion rejoindrait la Gaule pour une nouvelle campagne ; il se noierait
dans les combats pour oublier le malheur qui l’avait frappé. Tullia était dans
la fleur de l’âge et Octavia n’avait qu’un an, ce n’était encore qu’une enfant
innocente, elles ne méritaient pas cela.
Au fond de lui, aussi forte que la douleur, une froide
résolution grandissait, celle de venger sa femme et sa fille chéries en
retrouvant la stryge et en la tuant, pour qu’elle ne fasse plus jamais de mal.
Pour l’aider, il avait fait appel à un réseau d’espions très particulier, celui
de Marcus et de ses compagnons d’infortune. L’homme, un ancien légionnaire que
la vie n’avait pas épargné, mendiait dans les rues de Rome, ce qui lui
permettait de glaner discrètement de précieuses informations. Philippus, qui
s’était lié d’amitié avec lui, l’avait lancé sur les traces du monstre,
persuadé que le carnage ne s’arrêterait pas là. Le jeune homme était résolu,
dès qu’ils l’auraient localisée, à aller tuer la stryge. Il risquait d’y
laisser la vie, mais n’en avait cure : il avait déjà perdu tout ce à quoi
il tenait, plus rien ne pouvait l’affecter à présent.
Marcus se présenta le lendemain matin, annonçant au
centurion qu’une créature correspondant à sa description avait été aperçue la
nuit précédente dans un des quartiers les plus misérables de Rome. Le mendiant
lui proposa de l’y conduire à la tombée de la nuit, car la stryge allait
sûrement y revenir, n’ayant attaqué personne lors de sa venue. Philippus
accepta et lui ordonna de revenir le chercher au crépuscule, après lui avoir
donné un aureus d’or pour le récompenser.
Une fois seul, le jeune homme se prépara pour son expédition
nocturne, vérifiant son armement et ses protections. Gracchus, son fidèle serviteur,
s’inquiéta de son projet et tenta de le convaincre d’y renoncer. Peu disposé à
l’écouter, Philippus le rabroua et lui ordonna de le laisser seul, pour prier.
Après son départ, le centurion gagna l’autel des Dieux Lares et s’agenouilla
devant lui, leur demandant de l’aider à vaincre la stryge, pour qu’elle ne
fasse plus de victimes.
Alors qu’il était abimé dans ses suppliques, un étrange
phénomène se produisit en lui, comme une sorte d’énergie qui naissait dans son
cœur et se propageait dans le reste de son corps. Interloqué car il n’avait
jamais rien ressenti de tel, Philippus se demanda ce que cela signifiait,
espérant qu’il ne s’agissait pas là d’un mauvais présage pour l’affrontement à
venir.
À la nuit tombée, le centurion suivit Marcus dans les
méandres de la ville. Philippus s’était équipé de son glaive et d’une dague, et
sa cuirasse, ornée d’une silhouette de loup, couvrait sa poitrine. Le jeune
homme avait dissimulé le tout sous une cape noire dont il avait rabattu le
capuchon sur sa tête, pour ne pas attirer l’attention. Il se glissait dans l’ombre
des maisons, se collant aux murs en suivant son guide.
Bientôt, ils parvinrent à une petite place entourée de
maisons délabrées, à l’aspect misérable. Marcus l’entraîna sous un porche et
lui souffla, en désignant la bâtisse en face d’eux :
« C’est là que la bête est venue la nuit dernière, elle
rôdait autour du balcon. »
Philippus savait que les stryges avaient la réputation de
s’en prendre aux bébés qu’elles vidaient de leur sang, mais aussi aux femmes,
comme il l’avait appris à ses dépens. Il interrogea le mendiant :
« Il y a des enfants dans cette maison ?
— Oui, deux bébés nés il y a quelques jours. Leur mère a
failli mourir en les mettant au monde, elle est encore faible.
— Trois proies faciles, donc… »
Une sombre colère étouffa Philippus, surmontant le chagrin
qui lui broyait le cœur. Il se promit que le monstre ne détruirait pas cette
famille comme il avait détruit la sienne.
Un brusque mouvement le fit sursauter : dans un
bruissement léger, la stryge apparut dans le ciel et se posa sur la rambarde du
balcon. Ses ailes se replièrent dans son dos tandis qu’elle disparaissait dans
l’obscurité de la pièce.
Aussitôt, le centurion se précipita vers la maison en
dégainant son glaive, décidé à empêcher le pire. Marcus avait prévenu ses
habitants qui n’avaient pas verrouillé la porte et, pour se protéger, s’étaient
regroupés dans une seule pièce. Des cris de peur résonnèrent à l’intérieur et
Philippus se lança dans les escaliers pour arriver avant que la créature n’ait
commencé sa tâche. De nouveau, la sensation étrange de l’après-midi se
reproduisit, cette énergie qui semblait naître en lui et s’étendre à tout son
corps, mais il ne s’en soucia pas, concentré sur son but.
Il déboucha dans une chambre où une femme, très pâle,
allongée dans un lit, serrait contre elle deux nouveaux nés qui pleuraient. Un
homme, sans doute son mari, se tenait face à la stryge qui s’approchait
lentement de ses proies, un rictus cruel aux lèvres ; il n’avait qu’un
bâton pour se défendre, arme dérisoire qui ne suffirait pas contre elle.
L’intrusion du centurion attira l’attention de la stryge qui
tourna la tête et plissa les yeux en le voyant ; il lui cria :
« Me reconnais-tu, créature des Enfers ? Je suis
venu pour te tuer, pour venger ma femme et ma fille ! »
La bête poussa un cri moqueur et tendit la main vers
lui : comme la fois précédente, Philippus sentit une force le clouer sur
place, l’empêchant de bouger. Il commença à lutter pour s’en défaire et,
soudain, réalisa que l’étrange énergie qui l’avait envahi l’y aidait, le libérant
peu à peu des liens magiques.
La stryge avait reporté son attention sur ses futures
victimes, persuadée d’être débarrassée du centurion. Elle tendit le bras et
cassa net le bâton, puis enfonça ses ongles, devenus des griffes, dans le
ventre de l’homme, le déchirant sans pitié.
À cet instant, Philippus retrouva sa liberté de mouvement.
Sans attendre, il se rua sur la stryge et abattit son arme sur le bras de la
créature, le coupant net. Celle-ci poussa un cri strident tandis que le sang
giclait de son membre coupé et se tourna vers son agresseur.
Marcus, qui avait suivi le centurion, tira le blessé à
l’écart, près du lit, pour tenter de le soigner, tout en laissant le champ
libre à son compagnon.
Malgré sa blessure, la stryge avait gardé sa force ;
elle frappa Philippus de son bras valide, l’envoyant contre le mur. Il le
heurta rudement et glissa à terre, étourdi. La créature fondit aussitôt sur
lui, ses ailes déployées. Le centurion leva son glaive et la bête s’empala sur
la lame. Réagissant rapidement, Philippus sortit sa dague et l’utilisa pour infliger
une large plaie au cou de la stryge, avant de la repousser d’un coup de pied.
La créature roula au sol, tandis que ses ailes se cassaient sous elle. Le
centurion se releva à toute vitesse et, brandissant son glaive, décapita la
stryge d’un geste net. La tête roula contre le mur et ses yeux devinrent
vitreux.
Essoufflé, Philippus contempla son adversaire enfin vaincu,
avant d’entendre un râle derrière lui ; il se retourna et découvrit Marcus
qui essayait d’arrêter le flot de sang qui coulait de la blessure béante de
l’homme. Le centurion se précipita vers eux et vit le mendiant secouer la tête
en silence, annonçant que tout effort était vain et que le blessé allait
mourir. Au fond de lui, une petite voix ordonna à Philippus d’empêcher cela et,
sans vraiment savoir ce qu’il faisait, il écarta la main de Marcus pour poser
la sienne à sa place, sur la plaie. L’énergie sembla se concentrer dans sa
paume, devenant une chaleur bienfaisante, et Philippus hoqueta en sentant
celle-ci se transmettre à l’homme. Sous ses doigts, la peau se refermait et le
sang cessait de couler, ne laissant que la marque des griffes, comme une
cicatrice.
Marcus ouvrit de grands yeux et balbutia, incrédule :
« Par Jupiter, qu’est-ce que vous avez
fait ? »
Tremblant malgré lui, le centurion leva sa main et observa
sa paume ensanglantée : il ne comprenait pas ce qui s’était passé, d’où
venait cette puissance qui l’avait empêché de succomber aux sortilèges de la
bête, puis lui avait permis de sauver cet homme. Une seule chose était sûre, ce
miracle s’était produit, et l’avenir lui dirait sans doute ce que cela
signifiait. Pour l’heure, seule importait sa réussite : il avait vaincu la
stryge, et elle ne ferait plus jamais de victimes, une fois qu’on aurait brûlé
son corps et dispersé ses cendres aux quatre vents. Tullia et Octavia étaient
vengées.