dimanche 18 août 2013

Nouvelle : "Saint Valentin au musée"


Ce soir, pour changer un peu, voici une nouvelle que j'avais écrite en début d'année pour un concours lancé par mon forum d'écriture, dont le sujet était, comme le titre l'indique, la Saint Valentin.
Ou comment mêler mon amour de l'écriture avec ma passion des musées.

Bonne lecture.



Les visiteurs traversent les salles du musée, jetant un coup d’œil distrait aux œuvres, visiblement pressés de quitter les lieux car l’après-midi touche à sa fin et l’heure du dîner approche, ce fameux dîner qu’il ne faut rater sous aucun prétexte, celui de la Saint Valentin.
Et tandis que les gens passent devant moi sans me regarder, je soupire intérieurement : ah, s’ils savaient… s’ils savaient ce qui arrive ici quand le musée est fermé, quand toutes les salles sont plongées dans l’obscurité, quelle vie se met à régner ici. Car croyez-vous vraiment que les œuvres d’art ne sont que des objets inanimés ? Non, bien sûr que non, nous sommes toutes vivantes, aussi vivantes la nuit que nous sommes figées le jour, et nous profitons de chaque moment où nous sommes enfin libérées de notre carcan d’immobilité.
Et moi aussi, le jeune athlète grec piégé le jour dans ma gangue de marbre, je glisse avec bonheur de mon socle et je parcours les salles jusqu’au petit matin, juste avant l’aube, où je reprends ma place.
Mais ce soir, tout est différent, ce soir, moi aussi, comme les hommes et les femmes qui ont traversé ces salles aujourd’hui, je ne pense qu’à une chose, à cette fête de l’amour, à la Saint Valentin. Car depuis quelques semaines, elle est là et mon cœur de marbre ne bat que pour elle… elle, Sibylle, si belle, la dernière statue entrée au musée, qui me fait face du fond de l’enfilade des pièces à quelques dizaines de mètres de moi, et que j’admire de loin tous les jours. Evidemment, je ne suis pas le seul à l’avoir remarquée, bien d’autres prétendants sont déjà venus mettre leur cœur à ses pieds, lui déclarant leur flamme, et ce soir plus que d’autres, ils seront encore là, espérant enfin la conquérir. Mais l’espoir est dans mon cœur, car elle n’a dit oui à aucun d’eux, et j’ai toutes mes chances encore, car je sais où l’emmener pour la supplier de me choisir entre tous.
Enfin la nuit est tombée, à peine ai-je repris vie que je bondis de mon socle et fonce vers ma belle, que je vois s’étirer : ses longs cheveux tombent en cascade dans son dos tandis que les plis gracieux de sa robe ondulent au rythme de ses gestes. Je glisse sur le parquet ciré en voyant mes rivaux déjà s’approcher et, plus rapide qu’eux grâce à ma glissade, j’arrive à ses pieds le premier pour lui lancer de ma plus belle voix :
« O Sibylle, Belle des Belles, accordez-moi ce soir le privilège de vous divertir et de vous emmener découvrir un bel endroit de ce musée. »
Etonnée, la belle baisse les yeux vers moi et me détaille : je suis un jeune homme de belle prestance, seulement habillé d’une toge courte drapée sur une épaule et autour de ses hanches – heureusement que mon créateur ne m’a pas fait nu, j’aurais eu honte de me présenter devant elle complètement dévêtu. Mon allure a l’air de lui plaire et ma proposition aussi, car elle consent à me sourire et me demande :
« Et où souhaitez-vous me conduire, bel inconnu ? »
Je m’incline profondément et lui réponds :
« Je m’appelle Nikolaos, pour vous servir, et je souhaite vous emmener dans un lieu enchanteur dont j’aimerais vous faire la surprise. »
Elle penche la tête et me regarde d’un air curieux, se demandant si elle acceptera de suivre celui qui a eu l’audace de l’apostropher ainsi. Autour de nous, un cercle s’est formé, celui de ses prétendants des premiers jours, qui fustigent ma hardiesse et protestent en promettant à la belle Sibylle monts et merveilles. Mais leurs protestations ont pour seul effet de la décider à accepter mon offre et, d’un geste gracieux, elle me tend la main pour m’inviter à l’aider à descendre de son piédestal. Je m’en empare aussitôt avec délicatesse, y déposant un baiser, avant de tendre mes bras pour l’accueillir tandis qu’elle se laisse tomber avec légèreté vers moi. Je la fais brièvement tournoyer, avant de la poser à terre et de lui présenter galamment mon bras : j’ai beau venir de l’Antiquité, j’ai eu bien des siècles pour observer les manières des hommes du beau monde, et je sais me comporter aussi bien qu’eux.
Nous nous avançons vers la sortie de la salle et mes rivaux n’ont d’autre choix que de s’écarter pour nous laisser passer, nous faisant une haie d’honneur quand ils auraient bien voulu tous me pousser pour prendre ma place. Ils nous suivent des yeux, jaloux, tandis qu’autour de nous, dans leurs tableaux ou sur leurs socles, les femmes et les jeunes filles rient de les voir ainsi humiliés par moi, prenant leur revanche : depuis l’arrivée de Sibylle, tous n’avaient d’yeux que pour elle et les avaient abandonnées. En cette nuit de Saint Valentin, elles tiennent leur revanche, car aucune n’est disposée à répondre aux avances que leur font  désormais les amoureux éconduits, et je me dis qu’il leur faudra du temps pour reconquérir le cœur de leurs anciennes maîtresses.
Mais je n’en ai cure, ce soir, je suis l’homme le plus heureux du musée et j’entraîne ma belle vers un endroit enchanteur, parfait pour une soirée de Saint Valentin, le jardin d’hiver. Je bénis l’architecte qui a créé cette petite merveille, cette véranda à la coupole de vitraux colorés qui, sous la lumière de la pleine lune, éclaire de mille couleurs les plantes qui y poussent à foison. Le spectacle est de toute beauté et Sibylle ouvre des yeux ronds en le découvrant, poussant un petit cri de joie ; elle lâche mon bras et s’avance dans la pièce, avant de tournoyer au milieu, les bras tendus. Sa robe s’illumine de taches de couleurs tandis qu’elle virevolte autour d’elle : ma belle est heureuse, elle savoure la beauté de ce lieu et la liberté retrouvée, prisonnière comme moi toute la journée d’une gangue de pierre. Mais à trop tournoyer, elle vacille et manque de tomber. Heureusement, je suis là et je me précipite vers elle, pour la retenir avant qu’elle ne tombe, la retenant de mes bras protecteurs. Elle rit et me sourit, tandis que je l’entraîne vers un banc de marbre perdu au milieu de la végétation, pour qu’elle puisse s’y reposer et reprendre son souffle. Elle me regarde tendrement et je vois qu’elle apprécie l’endroit, mais aussi ma présence. Nous pourrions parler, mais ce n’est pas nécessaire : nous sommes là, tous les deux, dans un endroit enchanteur, et c’est la Saint Valentin… que demander de plus ? Mes lèvres se penchent doucement vers les siennes, loin de me repousser, elle pose sa main sur ma nuque et m’attire à elle, pour que nous partagions notre premier baiser, qui ne sera sans doute pas le dernier… Après tout, nous revenons à la vie toutes les nuits, et il y aura donc bien d’autres nuits à passer ici…




dimanche 11 août 2013

Ecriture et corrections


Tous les auteurs vous le diront, avec la page blanche, leur pire ennemi est la procrastination, et rien n’incite plus à procrastiner que d’être chez soi, où il y aura toujours d’autres choses à faire ou des distractions bien tentantes (les accros à Internet me comprendront !).

Donc, ma méthode la plus efficace pour être sûre de ne pas céder à la tentation de faire autre chose que d’écrire ou corriger mon texte, c’est d’aller travailler dans un endroit où je serai obligée de m’y mettre, puisqu’il n’y aura ni Internet, ni télévision ou quoi que ce soit d’autre pour me distraire !
Et pour ça, j’ai quelques endroits de prédilection où je sais que je serai tranquille pour avancer sur mes textes, une salle de bibliothèque ou les cafés de mes musées préférés, où je peux en même temps boire un verre ou savourer une douceur (il faut bien du carburant pour écrire, l’inspiration ne suffit pas).

Et si vous vous demandez à quoi peut ressembler le brouillon d’un écrivain qui retravaille des chapitres déjà écrits (j’avais avancé environ les deux tiers du tome 2 avant de publier le tome 1 de « La Septième Prophétie », maintenant je suis en train de les réécrire pour coller aux dernières modifications apportées au tome 1), en voilà un exemple (vous constaterez que le rouge est ma couleur préférée) :




Comme quoi un texte n’est jamais figé, à chaque fois que je repasse sur une page, j’ai envie d’y apporter des modifications (là j’avoue, sur cette page-là, j’ai fait assez fort quand même…)
Et encore, je pense que quand j’y repasserai à ma prochaine relecture, elle aura droit à de nouvelles corrections !

Résultat final dans quelques mois !

Sous les remparts




Une fois de plus, Rhodes m'a servi de source d'inspiration pour un autre décor du roman, le souterrain où Heta rencontre ses compagnons d'esclavage pour discuter loin des oreilles indiscrètes.

J'ai découvert ces tunnels en me promenant dans les fossés qui entourent la vieille ville de Rhodes, qui m'ont semblé très adaptés à Ranxora. 
Pour passer des fossés à la ville, on traverse ces tunnels creusés au pied des remparts, la plupart du temps peu éclairés, une sensation parfois étrange et excitante, qui m'a semblé très adaptée pour mes personnages.

La physionomie de Ranxora a d'ailleurs changé au cours de ce voyage, les fossés intérieurs ont été rajoutés à ce moment-là, quand ceux de Rhodes m'ont donné le bon exemple d'une ville fortifiée pour résister à l'envahisseur.

D'autres photos des fossés prochainement.


Quelques photos des tunnels prises au cours de mes promenades là-bas :












L’extrait où Heta découvre leur existence :

Cette nuit-là, Heta s’allongea sur sa couche, feignant de dormir, fermement décidée à saisir sa chance, et guetta la direction où ils avaient disparu la veille. Bientôt, le même manège recommença et elle les vit s’évanouir hors de sa vue. Le cœur battant, elle se leva à toute vitesse, sans faire de bruit, et traversa le baraquement aussi discrètement que possible jusqu’à l’endroit où ils avaient disparu. Elle toucha doucement le mur et découvrit qu’un morceau de tissu le recouvrait ; elle le souleva et mit à jour une petite ouverture, suffisamment large pour qu’elle puisse y passer. Sans réfléchir, elle s’y engouffra et se retrouva dans un étroit passage entre la muraille et le baraquement. Elle aperçut à la lumière voilée de la Déesse Lune les deux silhouettes longer les remparts, avant de disparaître soudain à gauche, comme par magie. Heta attendit quelques secondes, le pouls battant à toute vitesse, se demandant ce qu’elle devait faire. Juste après, surmontant son hésitation, elle se lança à leur poursuite. Elle jeta un regard craintif vers le haut des remparts, où patrouillaient quelques sentinelles isolées. Elle s’aplatit contre le mur et s’efforça d’avancer rapidement sans se faire voir, en tâtonnant le long de la muraille pour trouver l’endroit où les deux hommes avaient disparu. Soudain, sa main ne rencontra que du vide et Heta s’y glissa, découvrant un tunnel qui s’enfonçait sous les remparts ; elle se demanda où il menait car l’obscurité y régnait. Elle avait à peine fait quelques pas qu’elle se retrouva violemment agrippée, tandis qu’une main lui bâillonnait la bouche et qu’on l’entraînait plus profondément dans le passage. Un instant tentée de résister, elle pensa qu’il valait mieux se montrer docile le temps de pouvoir s’expliquer. Au bout de quelques mètres, Heta se retrouva assise de force sur le sol, appuyée contre la muraille ; celui qui l’avait amenée là gardait sa main sur sa bouche, pour l’empêcher de crier. Elle sentit un souffle chaud dans son cou qui lui donna la chair de poule, avant qu’une voix masculine grondante, dans laquelle pointait une menace, murmure à son oreille :
« Je vais retirer ma main. Si tu essaies de crier, ce sera la dernière chose que tu feras avant de mourir. Tu m’as compris ? »

dimanche 4 août 2013

Le Temple de la Déesse Lune



Voici un autre lieu visité à Rhodes qui m’a inspiré un des décors de la Septième Prophétie, le Temple de la Déesse Lune.
Il s’agit du monastère de Filerimos, construit en haut d’une colline, avec une très belle vue sur les environs.

J’ai d’ailleurs écrit la scène où Orlanne s’y repose et l’observe sur le site, assise à l’ombre au pied d’un escalier pendant une heure.

Quelques photos de Filerimos pour vous montrer le modèle :








Et l’extrait où on le découvre au travers du regard d’Orlanne :

Le soir n’était pas encore tombé et Orlanne n’avait pas envie de s’enfermer dans l’auberge tout de suite. Elle s’assit sur un banc dans un coin de la cour et observa les lieux autour d’elle, ce qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de faire. Elle songea qu’à première vue, l’endroit ressemblait plus à une forteresse qu’à un temple. De chaque côté de la grande porte d’entrée, deux tours carrées portant le blason de la Déesse se dressaient. Au sommet, des arcades ouvertes, surmontées d’un dôme de tuiles rouges, permettaient de guetter les alentours. La surveillance était assurée par les Vigilantes, d’anciennes novices qui avaient renoncé à devenir prêtresses, mais restaient au Temple pour en être les gardiennes. De chaque tour partait un rempart qui encerclait toute la cour et rejoignait deux autres tours carrées. Celles-ci encadraient un pont de bois fortifié qui enjambait un fossé et menait à la seconde partie du Temple, réservée aux prêtresses : des murailles de pierre blanche cachaient ses bâtiments où la plupart des pèlerins ne pénétraient jamais. Une lourde porte de bois recouverte de plaques d’argent en gardait l’accès. Des Vigilantes, postées à chaque extrémité du pont, en filtraient l’entrée : seules les prêtresses et quelques novices obtenaient l’autorisation de traverser et d’emprunter la petite porte latérale qui permettait d’y pénétrer. Orlanne songea qu’elle ne verrait probablement jamais ce qui se cachait derrière ces murailles. Elle reporta son attention sur la cour où elle se trouvait. Quelques arbres, ici et là, donnaient un peu d’ombre quand le soleil était au zénith, et des bancs circulaires autour de leur tronc accueillaient ceux qui voulaient en profiter. Tout autour de la place, les bâtiments à un étage étaient édifiés sur le même plan. Au rez-de-chaussée, des arcades surmontées d’un auvent de tuiles rouges donnaient sur le couloir d’accès aux différents édifices. À l’étage, un peu en retrait, se trouvait une seconde série d’arcades qui menaient à d’autres pièces. Tous les bâtiments n’avaient pas la même fonction : il y avait l’hospice où elle avait passé la nuit, deux temples, mais aussi des ateliers et même une forge, car tout ce que portaient les prêtresses et les Vigilantes, des vêtements aux armes, était fabriqué ici. Un entrepôt abritait les réserves. Enfin, près de l’accès à la partie interdite, se dressait un bâtiment plus imposant, de forme rectangulaire, avec deux arcades au rez-de-chaussée. Un escalier extérieur menait à un palier couvert. Quelques fenêtres entourées de frises sculptées et ornées de vitraux blancs et argent perçaient ses murs. Sur l’auvent, une structure crénelée abritait une cloche entourée d’oriflammes aux couleurs de la Déesse, blanc et argent. Orlanne supposa que cet édifice abritait l’administration des lieux.
La jeune femme se levait pour rentrer quand elle remarqua un passage entre deux bâtiments. Curieuse, elle y dirigea ses pas et franchit une grille ouvragée qui était ouverte, découvrant un cloître adossé à la muraille. Au centre de l’espace pavé de galets qui formaient une mosaïque, une petite fontaine permettait de se rafraîchir. Dans les quatre angles de la cour, des arbustes aux fleurs violettes grimpaient de gros pots de terre cuite et enlaçaient les piliers de leurs branches. Des bancs disposés le long des murets invitaient les visiteurs à profiter du calme. Orlanne n’y résista pas et s’assit sur l’un d’eux, s’appuyant contre la colonne derrière elle. L’endroit était désert et rien ne venait en troubler la paix. La jeune femme, qui avait l’habitude au manoir d’être toujours occupée, de passer ses journées à s’entraîner, chasser ou chevaucher aux alentours avec Alban, se surprit à apprécier ce moment de sérénité. Elle ferma les yeux en respirant profondément : le parfum des fleurs se mêlait à celui de l’encens qui brûlait dans le temple voisin, et ces odeurs renforçaient l’impression de plénitude qu’elle ressentait. Elle resta ainsi un long moment, regrettant de ne pouvoir partager avec Alban ce lieu si enchanteur. Elle se promit de le lui décrire à son retour, pour lui faire partager son voyage.

jeudi 1 août 2013

Visite chez Orlanne


Lors de mon séjour à Rhodes l'année dernière, la visite de l'Hospice Sainte Catherine m'a directement inspiré la décoration du manoir d'Ornan de Flavy, et j'ai eu l'impression de me promener à l'intérieur de mon roman... 
Je m'attendais presque à voir Orlanne et Alban passer l'une des portes pour venir m'accueillir !

Quelques photos pour vous mettre dans l'ambiance :







 




Et pour terminer, un extrait du chapitre où apparaît l'endroit :

 

La douleur et la peur… Ces deux sensations firent ouvrir les yeux à Orlanne, qui se demanda où elle se trouvait. Elle était allongée par terre et avait mal à la tête ; elle toucha son front mouillé et le frotta légèrement, grimaçant quand ses doigts rencontrèrent la plaie d’où s’écoulait un liquide poisseux. La jeune femme baissa sa main et réalisa avec horreur qu’elle était couverte de sang. Elle parcourut l’endroit du regard, tandis que la panique s’emparait d’elle et accélérait les battements de son cœur. Elle reconnut la grande salle pavée de mosaïques, aux fenêtres basses encadrées de bancs de pierre : elle était chez elle, dans la maison d’Ornan. Elle examina les environs en s’asseyant maladroitement, s’efforçant de ne pas aggraver sa blessure, et remarqua de longues traces rouges sur le sol, tandis que des cris parvenaient à ses oreilles bourdonnantes. Orlanne arracha son écharpe et en fit une compresse pour arrêter le saignement. Elle se releva en titubant, suivant les traînées de sang jusqu’à sa chambre, et poussa un cri en arrivant sur le seuil : le baldaquin de son lit avait été arraché et s’était effondré sur les carreaux de faïence du sol. Empêtré au milieu du tissu, lardé de coups, le corps sans vie de leur intendante fixait le plafond de ses yeux vitreux, tandis qu’une mare de sang s’étalait autour d’elle. Orlanne s’appuya contre le chambranle de la porte et se mit à trembler violemment. Laissant tomber au sol son pansement improvisé, elle pressa ses deux mains sur son visage ensanglanté en étouffant un sanglot. Elle pensa alors à son père et à son fiancé, trouvant dans son désespoir croissant l’énergie nécessaire pour partir à leur recherche. La jeune femme traversa la grande salle d’un pas inégal, s’appuyant contre les murs pour ne pas tomber, en laissant l’empreinte écarlate de ses paumes sur la pierre blanche. Elle parvint aux arcades du palier du premier étage et descendit l’escalier qui menait à la cour intérieure en s’accrochant à la rambarde. Le bruit augmentait au fur et à mesure qu’elle avançait, couvrant le bourdonnement de ses oreilles : Orlanne entendait des cris qui se mêlaient au fracas des armes. Elle sentit l’odeur du sang tandis qu’elle découvrait, écœurée, les cadavres qui jonchaient l’entrée de la cour. La jeune femme descendait les dernières marches quand une explosion retentit derrière elle : elle dégringola au bas de l’escalier, projetée par la violence d’un souffle brûlant, et son visage heurta brutalement le sol tandis que son corps s’embrasait. Le choc lui fit perdre connaissance et elle sombra dans les ténèbres.